Indemnisation après une chute dans un magasin

Un client qui se blesse avec un produit dépassant d’un rayon,  qui glisse sur une feuille de salade, qui trébuche sur un tapis… Ces scènes arrivent fréquemment dans les grandes surfaces et les blessures qui en résultent peuvent être parfois graves.

Le magasin est-il responsable et doit il indemniser la victime ?

Traditionnellement, le client victime devait agir sur le fondement de la responsabilité civile du responsable du magasin selon les règles du code civil (ancien article 1384 devenu article 1242) La charge de la preuve reposait sur le client qui devait démontrer que la chose inerte était l’instrument du dommage, occupait une position anormale ou était en mauvais état.

C’est ce qu’avait tenter de prouver le client d’un magasin qui s’était pris les pieds dans un tapis antidérapant, la chute lui occasionnant une blessure à l’épaule. La Cour d’Appel de Poitiers, appelée à connaître du litige, avait estimé que le client n’apportait pas les éléments nécessaires pour engager la responsabilité du magasin sur le fondement du code civil.

Le client a également été débouté de sa demande de voir appliquer l’article L 221-1 du code de la consommation selon lequel « les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes »

Mais dans un arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation a décidé « qu’une entreprise de distribution est débitrice à l’égard de la clientèle d’une obligation générale de sécurité de résultat ».

Il résulte de cette décision que dans une telle situation la victime n’est plus obligée d’agir sur le fondement de la responsabilité civile et démontrer que les conditions issues de l’article 1242 du code civil sont réunies.

L’article L211-1 du code de la consommation, visé dans cet arrêt, est devenu l’article L 42-3 du code de la consommation.

Cet arrêt est favorable à la situation des victimes de ce type d’accident qui bénéficient aujourd’hui d’une possibilité d’action supplémentaire, plus facile que la mise en œuvre de la responsabilité civile du magasin fondée sur une faute.

Texte de la décision n°1-19.109 du 20/09/2017 de la 1ère chambre civile de la cour de cassation :

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, qui avait fait une chute sur un tapis anti-dérapant placé devant un rayon situé dans un magasin exploité par la société Centre E. Leclerc supermarchés charentais (la société) a, au vu d’un rapport d’expertise judiciaire, assigné la société en réparation de ses préjudices ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. X… tendant à l’indemnisation des conséquences dommageables de sa chute, l’arrêt retient que l’article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, n’instaure aucun régime de responsabilité autonome permettant à une victime de solliciter des dommages-intérêts pour réparer les dommages causés par un manquement à l’obligation de sécurité ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’une entreprise de distribution est débitrice à l’égard de la clientèle d’une obligation générale de sécurité de résultat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 janvier 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne la société Centre E. Leclerc supermarchés charentais aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Claire Leduc et Solange Vignaud, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt